Boreal Forest
2021, linocut print on kraft paper, 344x180cm, ISBA Besançon


© Camille Conrad-Rasseneur, Adagp, Paris.
Une forêt de bouleaux se dresse dans l’étendue de papier kraft, longue comme un souffle, haute comme une veille. C’est une vision du Nord : silencieuse, minérale, traversée de lumière pâle. Le noir de l’encre incruste les fibres du papier brut, comme les stries profondes de leurs écorces. Les bouleaux - ces arbres blancs aux nervures sombres - sont les veilleurs discrets des paysages boréaux. Ils portent en eux les grands silences enneigés, les terres froides où la nuit dure plus longtemps que le jour. Leur écorce, fine et éclatante, se détache comme des parchemins anciens. Elle raconte des histoires de survivance, d’adaptation, de poésie dépouillée. Dans ces gravures de grands formats, chaque tronc devient une stèle de mémoire. On n’est plus devant une forêt : on y entre. Le regard circule entre les lignes serrées, à la recherche d’un passage, d’un souffle. L’absence de sol, de ciel, ou de saison laisse place à une forêt intérieure. Le bouleau est aussi un arbre de seuil. Arbre du commencement, il pousse là où la forêt renaît. Il est souvent le premier à réapparaître après le feu. Ainsi, cette gravure n’est pas qu’un paysage : c’est un espace de passage, une traversée vers quelque chose d’essentiel, d’élémentaire. La linogravure, par sa nature même - gravure dans la matière, encrage, pression - ajoute à cette idée de résistance et de fragilité mêlées. Le papier kraft, humble et dense, capte les noirs profonds, les silences, les souffles du vent. C’est une forêt rêvée. Une forêt de mémoires.



A forest of birch trees stands tall on the expanse of kraft paper, as long as a breath, as high as a vigil. It is a vision of the North : silent, mineral, bathed in pale light. The black ink ingrains itself into the fibers of the raw paper, like the deep streaks of their bark. Birch trees — those white trees with dark veins — are the discreet guardians of boreal landscapes. They carry within them the great snowy silences, the cold lands where night lasts longer than day. Their bark, thin and bright, peels away like ancient parchment. It tells stories of survival, adaptation, and stripped-down poetry. In these large-format engravings, each trunk becomes a memorial stone. We are no longer standing in front of a forest: we are entering it. Our gaze wanders between the tightly packed lines, searching for a passage, a breath of air. The absence of ground, sky, or season gives way to an inner forest. The birch is also a threshold tree. A tree of beginnings, it grows where the forest is reborn. It is often the first to reappear after a fire. Thus, this engraving is not just a landscape: it is a space of passage, a crossing toward something essential, elemental. Linocut, by its very nature — engraving into the material, inking, pressure — adds to this idea of resistance and fragility combined. The humble, dense kraft paper captures the deep blacks, the silences, the breaths of the wind. It is a dream forest. A forest of memories.